Le caucus désigne traditionnellement l’organisation d’un consensus. Il est utilisé, mais pas seulement, lorsque les membres des partis politiques américains choisissent les délégués qui se rendront à la convention de leur parti afin de désigner leur candidat aux élections présidentielles. Ce sont donc, comme dans le cas de l’Iowa ce 2 février, des rassemblements officiels des partis, qui ont lieu un peu partout, dans les gymnases des écoles, dans les bibliothèques publiques, même chez les particuliers. Les personnes rassemblées discutent et indiquent leur préférence pour un candidat, par oral, ou en se regroupant dans des coins de salles par affinités pour un candidat ou l’autre.
Etymologiquement, caucus renvoie au caucus amérindien (Algonquin), Caw-cawaassough (cau-cau-as-u) soit ‘celui qui conseille, aide’ en vue de l’action. Ce format de décision correspond en effet non seulement à celui des tribus indiennes d’Amérique comme les Navahos, mais plus largement à celui des sociétés primitives, comme le souligne le chercheur Philippe Urfalino de l’EHESS (1).
L’avantage de ce format de décision, fait d’assemblées qui palabrent, est la prise en compte du point de vue de chacun, en vue de l’émergence d’une décision. L’inconvénient, la décision n’émerge pas toujours, comme ce fut le cas pour certaines circonscriptions en Iowa le 2 février.
Ainsi, deux évènements majeurs marquent ce premier caucus :
- Une victoire d’Hillary Clinton finalement obtenue par un jeu de hasard : afin de départager H. Clinton de son rival Bernie Sanders, c’est un lancer de pièce qui a mis un terme aux débats dans 6 circonscriptions (les 6 tirages au sort sont gagnés par H. Clinton).
- Un net avertissement pour Donald Trump côté républicain : alors que la presse relayait un très large consensus de l’opinion pour Donald Trump, ce dernier arrive finalement en deuxième position après Ted Cruz, à quelques voix de Marco Rubio.
Nous tirons deux leçons de ce cocasse caucus pour les décisions par consensus en entreprise :
- Comme le montre l’issue du caucus de l’Iowa pour les Démocrates, il est utile de garder en tête le risque de devoir changer de « mode décisionnel » si aucune décision ne se dégage. L’émergence de la décision lors d’un consensus est souvent laborieuse, parfois impossible : en de nombreuses circonstances il sera nécessaire de recourir à une fin tranchante… mais rarement souhaitable qu’elle devienne de ce fait hasardeuse ! Créativité et doigté seront donc indispensables à la réussite d’un tel recours sans perte d’adhésion des participants : une réflexion en amont permettrait sans doute au moins de se préparer à un tel ajustement et d’éviter de remettre l’issue au hasard et/ou de perdre les équipes en chemin.
- Un consensus peut en cacher un autre : l’effervescence autour de Donald Trump, le consensus de la presse sur son avance nette dans les sondages, ont sans doute masqué un consensus plus réel : celui qui a émergé de l’Iowa prenant de court la totalité des chroniqueurs politiques. Le format de décision par consensus a le mérite de permettre de faire émerger des solutions et orientations que peut-être personne n’avait envisagé au départ. Il est peut donc être fort créateur de valeur dans certaines circonstances de notre vie professionnelle.
Décider, cela se travaille !
(1) La décision par consensus apparent. Nature et propriétés, Philippe Urfalino (2007) in Revue Européenne des Sciences Sociales, n°XLV-136, pp.47-70